La grande dictature Big Brother est à nos portes — La Chine met en place un système de notation de ses citoyens pour 2020
Par | Le 16/04/2018 | Commentaires (0) | À propos de la biométrie
Le Système de crédit social est un projet du gouvernement chinois visant à mettre en place d'ici 2020 un système national de réputation des citoyens. Chacun d'entre eux se voit attribuer une note, dite « crédit social », fondée sur les données dont dispose le gouvernement à propos de leur statut économique et social. Le système repose sur un outil de surveillance de masse et utilise les technologies d'analyse du big data. Il est également utilisé pour noter les entreprises opérant sur le marché chinois. La première mention connue du projet remonte à la publication du rapport State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014–2020) par le Conseil des affaires de l'État de la République Populaire de Chine le 14 juin 2014 (traduction française du texte original).
L'objectif de cette initiative, selon le schéma de programmation, est « la sensibilisation à l'intégrité et à la crédibilité au sein de la société ». Le Système de crédit social est présenté comme un moyen important de parfaire l'économie socialiste de marché (完善社会主义市场经济体制) ainsi que de renforcer et renouveler la gouvernance de la société (加强和创新社会治理).
Le Système de crédit social est un exemple de l'approche chinoise dite « de haut-niveau » (顶层设计). Il est coordonné par la Central Leading Small Group for Comprehensively Deepening Reforms. Selon le « schéma de programmation pour la Construction d'un Système de Crédit Social (2014-2020) » émis par le Conseil des affaires de l'État, le système doit poursuivre quatre objectifs : « l'honnêteté dans les affaires du gouvernement » (政务诚信), « l'intégrité commerciale » (商务诚信), « l'intégrité sociétale » (社会诚信), et « une justice crédible » (司法公信).
Si la couverture médiatique a d'abord porté principalement sur la notation des citoyens, qui relève de « l'intégrité sociétale », les plans du gouvernement chinois prévoient d'aller au-delà et d'inclure des scores de crédit pour toutes les entreprises opérant en Chine. Entre autres choses, le Système de crédit social est destiné à fournir une réponse au problème de manque de confiance sur le marché chinois. Ses partisans soutiennent que cela va aider à éliminer les difficultés telles que les problèmes de sécurité alimentaire, de fraude, et les marchandises de contrefaçon.
En juillet 2017, il n'existe que peu d'informations concrètes sur la façon dont ce système pourrait fonctionner dans la pratique. Plusieurs tests du système ont cependant lieu, à l'échelle locale, ainsi que dans des secteurs spécifiques de l'industrie. Ainsi à Shanghai une application utilise le logiciel de reconnaissance faciale pour parcourir les dossiers du gouvernement, et note les utilisateurs en conséquence. Ceux-ci peuvent ensuite accéder à leur score et le publier via les réseaux sociaux. Ces notes se fondent notamment sur le comportement des citoyens chinois en ligne.
170 millions de caméras de vidéosurveillance sont déjà installées en Chine en 2017, et leur nombre doit croître jusqu'à 400 millions en 2020. À Shenzhen, le visage et l'identité des piétons traversant hors des passages cloutés sont affichés sur écran géant jusqu'au paiement de leur amende.
Le gouvernement chinois annonce en mars 2018 qu'une phase de test débute dans le secteur des transports en mai 2018. À cette date, un certain nombre d'incivilités entraîneraient la baisse de la note du citoyen, ce qui lui interdirait de voyager en train et en avion. Selon le quotidien Le Monde, plusieurs millions de citoyens se sont déjà vu imposer des restrictions de transport depuis 2013 « pour n’avoir pas exécuté la décision de justice à laquelle ils ont été condamnés ».
Le gouvernement chinois prévoit un système effectif dès 2020. Si le Système de crédit social est mis en œuvre comme prévu, il constitue une nouvelle façon de contrôler à la fois le comportement des individus et des entreprises.
La population chinoise aurait une attitude ambivalente envers cette surveillance : « Le système de crédit social n’est pas une mauvaise chose pour la Chine, il y a un vrai besoin. Mais il risque d’être vite utilisé de manière détournée. L’appareil policier s’en sert par exemple pour mieux contrôler des personnes ciblées et non parce qu’elles enfreignent la loi », pour l'avocat Liang Xiaojun.
Selon la sinologue Séverine Arsène, « ce projet est surtout une nouvelle étape vers un mode technocratique et paternaliste de gouvernement, basé sur un dispositif de surveillance et des incitations et contraintes destinées à orienter en temps réel le comportement des individus. Ce système rappelle le dang’an, le dossier individuel tenu par l’unité de travail pendant la période maoïste, mais il en diffère fondamentalement par sa vocation à être montré, tant à l’individu ou à l’entreprise, qu’à ses amis et contacts professionnels ».
Selon Rachel Botsman, le processus de gamification est au cœur du système : « le gouvernement tente de faire passer l'obéissance pour un jeu. C'est une méthode de contrôle social déguisée en système de récompense. C'est l'obéissance, mais ludique ». Jérôme Colombain estime que « c’est aussi un incroyable système numérique totalitaire. C’est le "big data" au service de la surveillance sociale et politique ».
L'ONG Human Rights Watch critique le lien entre le système de crédit social et une politique de justice predictive testée auprès de la région ouïgoure.
Crédit social pour les entreprises
Pour les entreprises, le Système de crédit social servirait de mécanisme de régulation du marché. L'objectif serait de créer un régime de réglementation autonome alimenté par le big data, dans lequel les entreprises exerceraient une « maîtrise de soi » (企业自我约束), faute de voir leur évaluation revue à la baisse par le gouvernement. Les entreprises disposant de bonnes cotes de crédit pourraient profiter d'avantages tels que de bonnes conditions de crédit, des taux d'imposition inférieurs, et de meilleures opportunités d'investissement. Les entreprises avec de mauvaises cotes de crédit feraient potentiellement face à des conditions défavorables pour les nouveaux prêts, verraient leurs taux d'imposition augmenter, les possibilités d'investissement et de subventions se réduire.
Le gouvernement envisage également la surveillance en temps réel des activités de l'entreprise. Dans ce cas, les infractions de la part d'une entreprise pourraient entraîner une baisse presque instantanée de sa note, si la technologie le permet.
Le Système de crédit social serait limité à la partie continentale de la Chine et ne s'appliquerait donc pas à Hong Kong et Macao. Cependant les plans ne font pas de distinction entre les entreprises chinoises et les entreprises étrangères opérant sur le marché chinois, ce qui soulève la possibilité que les entreprises étrangères opérant en Chine seraient également soumises au système.
En mars 2017, 137 agences de notation commerciales sont actives sur le marché chinois. Dans le cadre du développement du Système de crédit social, le gouvernement chinois a suivi les progrès des organismes tiers de notation financière. En 2015, huit entreprises ont été choisies par la Banque populaire de Chine pour développer des logiciels pilotes afin de noter les citoyens, y compris Alibaba et sa filiale Ant Financial, qui développent notamment l'outil d'évaluation individuelle du crédit social Sesame Credit. Le gouvernement chinois a décidé de ne pas octroyer de nouvelles licences en 2017, invoquant des préoccupations sur les conflits d'intérêts et la réticence à partager des données avec d'autres plates-formes.
La dictature du président de la Chine, Xi-Jinping
Xi Jinping, surnommé officiellement Xi Dada (français : tonton Xi), né le 15 juin 1953 à Pékin, est un homme d'État chinois, secrétaire général et président de la Commission militaire centrale du Parti communiste chinois depuis le 15 novembre 2012 ainsi que président de la république populaire de Chine depuis le 14 mars 2013. Du 15 mars 2008 au 14 mars 2013, il a été vice-président de la république populaire de Chine sous le second mandat de Hu Jintao. Depuis octobre 2017, la doctrine de Xi Jinping figure dans la charte du Parti, ce qui lui confère un statut équivalent à celui de Mao Tsé-toung45. Officiellement qualifiée de « pensée de Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère », elle consacre pour Xi Jinping une autorité sur le parti sans équivalent depuis l'ère de Mao. Sa pensée doit guider le parti, autour de plusieurs axes : l'affirmation du rôle de la Chine sur la scène internationale ; l'amélioration de la protection sociale et médicale des Chinois ; la prise en compte des problèmes environnementaux en vue d'une « coexistence harmonieuse entre l'homme et la nature » ; la lutte contre la corruption ; et l'autorité absolue du parti sur les forces armées et sur la nation.
Le 11 mars 2018, les députés adoptent une réforme abolissant la limite de deux mandats présidentiels, en vigueur depuis 1982. Xi Jinping est réélu Président de la République Populaire de Chine le 17 mars suivant. La constitution chinoise est alors modifiée, supprimant la clause obligeant les présidents à ne pas effectuer plus de deux mandats, et Xi Jinping peut dès lors envisager de rester président à vie.
Selon l'ONG Chinese Human Rights Defenders, basée à Washington, l'année 2014 a vu l'arrestation de près de 1 000 « défenseurs des droits de l'homme ». Il s'agirait de la plus importante répression depuis les événements du 4 juin 1989. En octobre 2014, le PEN club considère que la Chine est un des « plus importants geôliers d'écrivains et de journalistes au monde ». En 2015, la condamnation à sept ans de prison de la journaliste Gao Yu est dénoncée par plusieurs militants des droits de l'homme, qui y voient une répression à l'égard de la liberté de la presse sans comparaison depuis une décennie.
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