La France est le premier pays d'Europe à généraliser la reconnaissance faciale avec son application mobile « AliceM »
Par | Le 09/10/2019 | Commentaires (0) | À propos de la biométrie
[Le Figaro] Tous les jours ou presque, des articles sont publiés sur les abus liés à la reconnaissance faciale. Aux États-Unis, elle aide la police à surveiller la frontière mexicaine alors qu’en Chine, elle permet au pouvoir en place de surveiller sa population. En France, le gouvernement souhaite se servir de cette technologie via une application mobile pour authentifier l’identité des citoyens. L’utilisation d’un tel dispositif, très décrié, provoque déjà des levées de boucliers.
AliceM est une application mobile, pour le moment uniquement disponible sur Android. Acronyme d’«Authentification en ligne certifiée sur mobile», elle est actuellement en phase de test. Bientôt, elle permettra de s’identifier grâce à son smartphone pour accéder depuis son mobile aux sites de certains services publics regroupés dans le portail d’accès FranceConnect comme celui des impôts ou celui de l’Assurance maladie.
Cela fait plusieurs années que le ministère de l’Intérieur, à l’origine du projet, travaille sur AliceM et d’autres produits similaires, sans grand succès. En 2012, la création d’une base de données biométriques avec l’appui de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) avait été avortée par le Conseil Constitutionnel qui avait jugé le projet anticonstitutionnel. En septembre 2017, l’actuel locataire de la place Beauvau, Christophe Castaner, évoquait dans une feuille de route sa volonté de «se positionner comme maître d’œuvre de l’élaboration de solutions d’identité numérique», note Le Monde. Le ministre a par ailleurs fait savoir cette année qu’il souhaitait que tous les Français puissent prouver leur identité en ligne d’ici 2020, notamment par AliceM qu’il qualifie dans un rapport sur la cybermenace d’«un des prémices d’une politique publique de l’identité numérique». AliceM a finalement été mis en place via un décret publié le 13 mai dernier. Son principe est simple: elle demande à ses utilisateurs de prouver leur identité en prenant en photo leur passeport ou titre de séjour biométrique mais aussi, via un «système de reconnaissance faciale statique (via une photo) et dynamique (via une vidéo où il faut faire des gestes et des mouvements de tête)».
Pourquoi ce projet inquiète certaines associations ?
Le 15 juillet dernier, ce décret publié le 13 mai dernier a été contesté par une association de défense des libertés numériques, La Quadrature du Net. Cette dernière a déposé un recours au Conseil d’État pour le faire annuler. Elle s’insurge contre le fait que l’utilisateur n’ait pas la liberté de choisir de passer outre le dispositif de reconnaissance faciale pour avoir accès à plusieurs services publics dématérialisés via AliceM. L’association reproche à l’État de ne pas respecter le RGPD (Règlement général sur la protection des données personnelles). Lequel stipule que quand il s’agit d’utilisation de données personnelles, «le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix». La Quadrature du Net s’appuie aussi sur un avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) rendu le 18 octobre dernier sur le projet du gouvernement. «Le gouvernement ne propose pas, en l’occurrence, d’alternative à la reconnaissance faciale pour créer une identité numérique (...) Au regard de ces principes, le consentement ne peut être regardé comme libre et comme étant par suite susceptible de lever l’interdiction posée par le RGPD» explique-t-elle.
La Commission propose de mettre en place des solutions alternatives à la reconnaissance faciale pour garantir un consentement libre comme un face-à-face en préfecture ou un appel vidéo avec un agent de l’ANTS. Des solutions qui n’ont pas été retenues par le gouvernement dans son décret. «Le plus inquiétant dans cette procédure, c’est que nous constatons une perte de pouvoir de la CNIL. Si même le gouvernement ne l’écoute plus, qui va le faire?» s’interroge Martin Drago, juriste au sein de la Quadrature du Net, contacté par Le Figaro. «Proposer des alternatives, c’est le minimum» explique-t-il. L’expert regrette l’absence de prise de conscience de l’opinion et des pouvoirs publics sur le sujet de la reconnaissance faciale alors que déjà plusieurs villes, notamment aux États-Unis, ont décidé de bannir cette technologie.
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