La Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale est une juridiction pénale universelle permanente chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre. Elle est d'ailleurs la première et seule juridiction pénale internationale permanente, les autres juridictions pénales internationales étant occasionnelles. La création de la CPI s'est déroulée en deux temps :
- Adoption du Statut de Rome le 17 juillet 1998 par 120 pays participant à la Conférence diplomatique des plénipotentiaires de l'ONU sur l'établissement d'une Cour pénale internationale (7 voix contre, 21 abstentions). Ce statut définit les pouvoirs et obligations de la CPI. Bien que créée sous l’impulsion de l’ONU, la CPI est indépendante du Conseil de sécurité, ce qui renforce sa crédibilité. De la même façon, l'adhésion au statut de Rome est volontaire.
- Une fois le Statut de Rome adopté, il fallait qu'un minimum de 60 États le ratifie pour qu'il entre en vigueur. Ce quorum a été atteint le 11 avril 2002 après qu'un groupe de 10 États ait ratifié en même temps le Statut.
Le 1er juillet 2002 marque l'entrée en vigueur du Statut de la CPI. La Cour pénale internationale est alors officiellement créée. Cependant, la compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.
Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis le 4 mars 2016, 123 États sur les 193 États membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent l'autorité de la CPI (dont tous les États de l'Union européenne). Cependant, trente-deux États supplémentaires, dont la Russie et les États-Unis, ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Certains, dont la Chine et l’Inde, émettent des critiques au sujet de la Cour et n’ont pas signé le Statut.
La CPI peut en principe exercer sa compétence si la personne mise en accusation est un national d’un État membre, ou si le crime supposé est commis sur le territoire d’un État membre, ou encore si l’affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La Cour est conçue pour compléter les systèmes judiciaires nationaux : elle ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté ou la compétence pour juger de tels crimes. L’initiative en matière d’enquête et de jugement de ces crimes est donc laissée aux États.
À ce jour, la Cour a ouvert une procédure d’enquête dans 11 situations : Ouganda (2004), République démocratique du Congo (2004), Centrafrique (2004), Soudan (2005), Kenya (2010), Libye (2011), (2011), Mali (2013), Centrafrique II (2014), Géorgie (2016) et Burundi (2017).
Le premier procès de la CPI, celui du Congolais Thomas Lubanga pour crimes de guerre, commence le 26 janvier 2009. Le 14 mars 2012, Thomas Lubanga est reconnu coupable de crimes de guerre. Il est alors le premier individu condamné par la Cour pénale internationale.
Objectif :
La CPI est une institution permanente chargée de promouvoir le droit international, et son mandat est de juger les individus (et non les États, ce qui est du ressort de la Cour internationale de justice), ayant commis un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes d'agressions (depuis juin 2010).
Lors de la Conférence de Kampala (juin 2010), les crimes d'agression ont été définis et ajoutés aux crimes relevant de la compétence de la Cour, mais ces derniers ne prenant pas effets avant 2017. Lors de sa seizième session (4-14 décembre 2017), l'Assemblée des États parties au Statut de Rome a décidé de déclencher la juridiction de la CPI sur les crimes d'agression à partir du 17 juillet 2018.
En promouvant une juridiction permanente et universelle, la Cour pénale internationale vise à universaliser les droits de l'homme et le droit international humanitaire. Elle a également pour objectif de responsabiliser les dirigeants politiques : la CPI est donc censée tenir un rôle à la fois préventif et dissuasif. Il est toutefois argumenté que sa mise en œuvre entrave la possibilité de règlement politique des conflits (par exemple via la mise en place d'une Commission vérité et réconciliation) : en effet, les dirigeants mis en cause se retrouvent de facto le dos au mur et n'ont dès lors plus d'autre choix que de lutter jusqu'au bout pour assurer leur survie. Cependant sur le long terme, la justice pénale internationale permet la paix.
États parties :
Les États parties sont légalement tenus de coopérer avec la Cour quand elle en a besoin : arrestation et transfert des personnes inculpées ou accès à des preuves et témoins. Les États parties ont le droit de participer et de voter à l'Assemblée des États Parties, organe de direction de la Cour qui élit les juges et le procureur, approuve le budget de la Cour et adopte les amendements du Statut de Rome.
139 États sont signataires du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Depuis le 27 octobre 2017, 123 pays sont États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Parmi eux :
- 33 sont des membres du groupe des États d'Afrique ;
- 19 sont des membres du groupe des États d’Asie et du Pacifique ;
- 18 sont des membres du groupe des États d'Europe Orientale ;
- 28 sont des membres du groupe des États d'Amérique Latine et des Caraïbes ;
- 25 sont des membres du groupe des États d'Europe occidentale et autres États.
26 États ont émis des réserves ou des déclarations au Statut de Rome.
Un retrait groupé des États africains de la CPI est également à l’étude.
Fonctionnement :
- Les États parties ou le Conseil de Sécurité de l'ONU peuvent déférer au Procureur des situations concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour. Le Procureur, après examen des renseignements disponibles, décide d'ouvrir ou non une enquête.
- Le Procureur peut, aussi, décider d'ouvrir une enquête de sa propre initiative sur base des renseignements reçus. Avant de le décider, il doit demander à la Chambre préliminaire de l'y autoriser.
- Les enquêtes du Procureur s'étendent à tous faits et éléments de preuve pertinents pour évaluer la responsabilité pénale des personnes impliquées. Le Procureur enquête à charge et à décharge. La présomption d'innocence est d'application pendant toute la procédure devant la Cour.
- Au cours d'une enquête, chaque situation est assignée à une Chambre préliminaire qui devient, de par cette saisine, responsable des aspects juridiques de la procédure.
- En cas de confirmation des charges par ladite Chambre, l'affaire est assignée à une Chambre de 1re instance composée de 3 juges : procédure équitable et diligente / respect de la présomption d'innocence.
- Si condamnation il y a, la peine maximale est de 30 ans d'emprisonnement (Principe) et, dans des cas extrêmes, la réclusion à perpétuité.
La Chambre est, aussi, compétente pour accorder des réparations aux victimes.
- Il existe une possibilité d'appel contre les décisions / ordonnances de la Chambre de 1re instance devant la Chambre d'appel composée de 5 juges.
Compétences :
Elle juge des individus. C'est là l'innovation principale par rapport à la Cour internationale de justice qui ne juge que les États.
Sa compétence n'est pas rétroactive : les crimes doivent avoir été commis après l'entrée en vigueur de son statut (1er juillet 2002). Il n'y a pas de prescription pour les crimes commis après l'entrée en vigueur de son statut.
Sa compétence matérielle concerne les crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes d'agression (article 5 du Statut) :
- Crime de génocide : actes ayant pour but de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux (article 6).
- Crime contre l'humanité : actes graves commis contre une population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile, ou une persécution pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (article 7).
- Crime de guerre : les infractions graves aux conventions internationales de Genève, violations graves de l'article 3 commun aux conventions de Genève en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, ou violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés présentant un caractère international ou non, dans le cadre établi du droit international (article 8).
- L'Assemblée des États parties a défini le crime d'agression par un amendement le 11 juin 2010 à Kampala. Elle le définit comme l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies.Conformément à l'article 121 du Statut de Rome, l'amendement entre en vigueur 1 an après le dépôt d'instruments de ratification d'un État. Il entrera en vigueur pour tous les États parties au Statut de Rome 1 an après que sept huitièmes d’entre eux auront ratifié l'amendement (en vigueur depuis juillet 2018).
De plus, il y a eu un grand débat pour savoir s'il fallait ou non inclure le terrorisme dans la compétence de la CPI. L'idée a finalement été abandonnée.
La Cour n'est compétente que si l'une des trois conditions suivantes est remplie :
- l'accusé est ressortissant d'un État partie au statut ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
- le crime a été commis sur le territoire d'un État partie ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
- le Conseil de sécurité a saisi le procureur en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (pas de limite alors de compétence ratione personae).
En vertu du principe de complémentarité, les États conserveront à titre principal la responsabilité de poursuivre et juger les crimes les plus graves. La CPI ne sera compétente qu'en cas de défaillance ou de mauvaise volonté des États. La CPI est seule compétente pour déterminer si un État est défaillant ou de mauvaise volonté.
La CPI ne peut être saisie que par un État partie (c'est-à-dire qui a ratifié le statut de Rome), le Procureur ou le Conseil de sécurité des Nations unies.
Afin d'éviter les procès qui traînent en longueur ou les saisines fantaisistes, une chambre préliminaire a été créée. Celle-ci instruit le dossier préalablement à l'audience et devra notamment établir le « contexte historique » des crimes. Elle établit un véritable dialogue avec le parquet, voire un contrôle, et confère ainsi aux juges une marge d'intervention susceptible d'appel sur la politique du parquet et le déroulement du procès : fixer des délais, limiter le nombre des témoins...
Peines applicables :
La Cour peut prononcer une peine d'emprisonnement maximale de 30 ans ou une peine d'emprisonnement à perpétuité « si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient ». La Cour peut ajouter à ces peines une amende ou « la confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime (…). » C'est une innovation dans la justice internationale visant à donner une réalité à la participation des victimes lors des procès, qui peuvent alors bénéficier de rétributions compensatoires. Les peines d'emprisonnement sont accomplies dans un État désigné par la Cour sur une liste de pays candidats. La peine de mort n'a pas été retenue.